Accueil Non classé La reconnaissance des ombres, par Lotfi Hadjiat

La reconnaissance des ombres, par Lotfi Hadjiat

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Certes, nous avons le bonheur en France d’avoir de grands écrivains, Berneur-Hainerie Lesvices, Où-est-le-bec, Marque-les-vies… Mais je dois dire que la sagesse chinoise est littéralement proverbiale, jugez plutôt : « Si le corps est droit qu’importe que l’ombre soit tordue ». Ou encore, pour rester dans le domaine de l’ombre : « Quand un seul chien se met à aboyer à une ombre dix-mille chiens en font une réalité ». C’est non-seulement juste mais carrément drôle. Aujourd’hui, l’ombre réussit malheureusement à déterminer toutes les réalités des hommes. Dès lors, à quoi bon chercher la reconnaissance des hommes. C’est comme si la lumière chercher la reconnaissance de l’ombre. Absurde. Complètement grotesque.

Il est vrai qu’aujourd’hui la lumière a presque totalement disparu et l’ombre est proportionnellement devenue gigantesque. On pourrait dire que l’ombre a remplacé la lumière, le voilà le grand remplacement. La lumière est presque devenue un mythe, une légende, une fable à laquelle plus personne ne croit et qui suscite rires et moqueries. La reconnaissance des ombres est désormais toute puissante. Découper les ombres s’impose ainsi comme la seule science, et la guerre des ombres comme une fatalité. La reconnaissance des ombres passe aujourd’hui nécessairement par la reconnaissance médiatique. Concrètement, il faut savoir se vendre, voilà l’art suprême aujourd’hui. Mais ne nous méprenons pas, savoir se vendre dans les médias c’est savoir se vendre aux médias. Je m’obstinerai donc à ne pas savoir me vendre. Et à me méfier comme de la peste de ceux qui savent bien se vendre. Des pires escrocs qui vendent avec ferveur l’honnêteté, des pires lâches qui vendent avec bravoure la virilité, ou des pires traîtres qui vendent avec éloquence la fidélité. Ou encore des pires pédérastes qui vendent farouchement l’hétérosexualité. Plus on cherche à être reconnu, plus on cherche à bien se vendre, tel est le mal profond de notre époque. Car un crime bien vendu peut finalement être reconnu comme un bienfait. La vertu qui a besoin d’être reconnue n’est déjà plus vertu, ou pour le dire plus clairement, seul le vice a besoin d’être reconnu comme vertu. La véritable vertu n’a aucun besoin d’être reconnue comme telle. L’homme courageux n’a aucun besoin d’être reconnu comme courageux. Tout comme un passionné de la mer n’a aucun besoin d’être reconnu comme tel. Ou comme un homme pieux n’a aucun besoin d’être reconnu comme tel, et restera pieux même s’il passe aux yeux des autres pour mécréant ou hérétique, même s’il est crucifié… Il ne faut jamais se fier à un homme qui affirme partout et sans cesse sa piété ou sa vertu. Mais alors que faut-il affirmer ? Eh bien, rien. Le besoin de reconnaissance des hommes est un poison dont le remède est la connaissance.

A-t-on besoin d’être reconnu en bonne santé lorsqu’on connaît la santé dans notre chair. A-t-on besoin d’être reconnu comme heureux lorsqu’on connaît le bonheur dans notre chair. A-t-on besoin de convaincre tierces personnes que notre maison est propre quand elle l’est effectivement. Seuls les types pas respectables ont besoin de respectabilité… et les types sans valeurs ni honneurs d’être valorisés et honorés. A-t-on besoin d’être reconnu comme baignant dans la lumière lorsqu’on baigne effectivement dans la lumière… Non, non, non et encore non, évidemment. Ce besoin de reconnaissance obstiné a tué le goût de la connaissance. Vouloir être reconnu comme un dieu anéantit notre goût de connaître le divin. Même l’amour n’a au fond pas besoin d’être reconnu, l’amour souffre seulement de ne pas se donner. On confond trop souvent vivre intensément et être reconnu comme vivant intensément, en désirant par exemple une femme que tout le monde désire et en se refusant d’aimer une femme délaissée par tous. Dans la société moderne, le besoin de reconnaissance est une aliénation mortelle. Car on en vient d’abord à souffrir pour être reconnu, puis à faire souffrir, puis à tuer, et enfin à mourir. Le suicide est l’expression ultime du besoin de reconnaissance.

La reconnaissance des hommes est un gouffre sans la reconnaissance de la souveraineté divine, pour être tout à fait clair, dès lors que l’on reconnaît la souveraineté divine, la reconnaissance des hommes n’a plus beaucoup d’importance, tel est l’enseignement spirituel de l’islam. La lumière n’a pas besoin d’être reconnue par l’ombre et aspire seulement à répandre toujours plus de lumière, à la partager. L’empire des ombres que nous traversons lutte avec acharnement contre la moindre manifestation de lumière, car le moindre rayon de lumière démolirait cet empire, quand bien même ce rayon ne saurait pas se vendre !

 

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