Alors que j’interrogeais les sombres signes du destin, me vint à l’esprit madame de Scudéry… Et sa Carte de Tendre dessinant innocemment un utérus… et l’on dit qu’il n’y a pas de pensée féminine… Loin d’en paraître offensée, la précieuse me sourit un instant, puis me prit la main et m’invita à une balade dans ses jardins éloquents. Je lui fis part de mes tourments à l’aube crépusculaire, évoquant la canaille, la vermine… Je lui parlai du virus à couronne… Dans la kabbale juive, le Pouvoir ultime se dit « kether » : la couronne, en français ; il est étrange que cette pandémie qui menace de bouleverser tous les pouvoirs soit causée par un virus à couronne… Mais contre toute attente, ce virus a déclenché bien plus qu’un bouleversement politico-économique ouvrant la possible instauration d’un gouvernement mondial cher aux messianistes juifs, il a déclenché une crise de la science moderne.
Les Écritures disent que l’arbre de la science se trouvait dans le Jardin. Voilà comment je vois les choses. Dans ce Jardin, l’arbre de la vie était le corps vivant de l’homme adamique, avant sa chute, cet arbre de la vie éternelle était relié au Créateur ; l’arbre de la science, lui, était relié à la matérialité terrestre (« Malkhuth » dans la kabbale juive), mais également relié à l’arbre de la vie, par la fonction génitale du corps humain. Et le fruit de l’arbre de la science était la jouissance sexuelle. Tant que l’être humain ne goûtait pas au fruit de l’arbre de la science, c’est-à-dire à la jouissance sexuelle, alors il était cet arbre de vie éternelle. À ce stade, l’être humain adamique ne sait pas ce qu’est la mort.
Que se passa-t-il lorsque l’homme adamique connut Ève (« Daath» dans la kabbale juive), lorsqu’ils goûtèrent à la jouissance sexuelle ? Ils s’inscrivirent aussitôt dans la vie cyclique, dans la vie reproductrice par la fécondation sexuelle, dans la vie charnelle, la vie périssable, la vie mortelle, la mort : chacun devint un corps mortel, un objet périssable parmi d’autres objets périssables, et entra ainsi dans le monde des objets périssables, le monde de la dualité, de la finitude, le monde objectif, le monde de la science… Il devint un objet périssable luttant pour sa survie, luttant contre la maladie, contre la mort… Un objet périssable qui prit connaissance de la mort, du périssable, de l’illusoire, c’est-à-dire du mal, et qui prit par là-même connaissance du bien, c’est-à-dire de la vie, désormais si fragile… Un objet périssable qui cherche les moyens de se maintenir en vie, en s’abritant, en se nourrissant, en se soignant, en se défendant contre tout ce qui pourrait attenter à sa vie ; et la recherche de ces moyens va prendre peu à peu la forme d’activités scientifiques. Cet objet, ce corps humain périssable va même chercher les moyens de devenir un corps impérissable, une chair impérissable, immortelle, en tout cas du point de vue de la maladie et de la vieillesse, mais même si ces moyens scientifiques réalisaient cette prouesse, un tel corps immortel serait détruit aussitôt s’il était plongé au fond d’un volcan en éruption. Ces moyens scientifiques ne pourront donc jamais trouver la façon de doter le corps charnel d’une vie impérissable, immortelle, éternelle. La seule façon pour l’être humain de rejoindre la vie éternelle est de revenir à l’arbre de la vie. La science objective, objectivante, a pris un chemin qui nous a considérablement éloignés de l’arbre de la vie en faisant de nous des objets résistant vainement à leur périssabilité, et qui nous en éloigne d’autant plus que cette résistance est scientifique, au point que nous devenons persuadés que l’objet précède le sujet.
Cette résistance scientifique à la périssabilité, à la mort, au changement, au devenir, indique une volonté de se maintenir comme force, comme pouvoir, dans ce rapport de force avec le devenir, rapport qui nous enfonce dans la dualité. Il y a donc derrière cette obstinée volonté scientifique de vie charnelle impérissable une obstinée volonté scientifique de… pouvoir. Pouvoir de contrôler le devenir sans le subir. Pouvoir divin en réalité, ou pour le dire plus précisément, le devenir est le Créateur lui-même, éternel devenir, serein et souverain. Vouloir contrôler le devenir c’est donc vouloir contrôler le Créateur, Le soumettre. Mais ceux qui s’avisent de vouloir soumettre le Créateur, de prendre sa « couronne », sombrent inéluctablement dans le chaos, qui est un autre point de vue du devenir ! Le devenir est toujours vainqueur. On commet souvent l’erreur philosophique de considérer l’être comme n’étant pas soumis au devenir, comme ne devenant pas, le devenir étant vu ici comme fatalement chaotique… vision superficielle… Je soutiens que le fond du devenir n’est pas chaotique, qu’il est même d’une souveraine sérénité, éternelle, inaltérable par le devenir puisqu’il est le devenir lui-même ! Tout comme un océan extrêmement agité à la surface est insondablement serein et vivant en profondeur. Cet « Être » qu’ont tant cherché les philosophes n’est rien d’autres que le cœur inaltérable du devenir, auxquelles rien ne peut résister, aucune forme, aucune force, aucun concept, aucun pouvoir… Le pouvoir absolu, la « couronne » est donc le tréfonds de l’Océan de vie, vouloir prendre cette « couronne » pour régner en maître absolu sur la surface de l’Océan – la vie terrestre - est donc absurde et déjà voué à l’échec. « Parlez-moi encore de la couronne « Kether », me dit la demoiselle.
Dans la kabbale juive, « Kether » est la plus haute lumière manifestée qui va déchoir dans la finitude jusqu’à la matérialité terrestre, « Malkhut », cette haute lumière va d’abord sortir de la lumière infinie, « Aïn Soph Aur », et chuter dans le fini jusqu’à « Malkhut ». Cela ressemble fort à la chute de Lucifer chassé de l’infini divin pour sombrer dans le fini. Mais on peut interpréter la kabbale juive de deux autres façons, la première consiste à considérer qu’au commencent il y a d’abord le divin vivant non-manifesté, « Aïn », qui va s’étendre à l’infini, « Aïn Soph », et devenir lumière infinie, « Aïn Soph Aur », d’où va sortir « Kether », on peut ainsi interpréter « Kether » comme le divin manifesté qui va déployer sa Création vers le fini. La seconde façon d’interpréter consiste à considérer qu’au commencement il y a d’abord le néant absolu, « Aïn », qui va se dilater à l’infini, « Aïn Soph », et donner naissance à Lucifer (sans le nommer), « Aïn Soph Aur », qui va manifester sa lumière, « Kether », en se contractant… !, puis déployer sa création vers le fini ; cette seconde façon nie intégralement Dieu, ou plutôt fait passer Lucifer (sans le nommer) pour le dieu suprême, né du néant absolu. Cette seconde interprétation est celle de la judéo-maçonnerie qui a malheureusement pris le pouvoir ici-bas et qui veut ici-bas mettre la couronne « Kether » sur la tête de Lucifer. L’arbre des Séphiroth dans la kabbale juive peut être interprété comme l’arbre de la science qui mène à la mort, l’arbre de Lucifer.
Mais on peut tout à fait entrevoir une science qui nous ramènerait à l’arbre de vie éternelle, qu’il ne faut donc pas confondre avec l’arbre de la vie mortelle, c’est-à-dire l’arbre de la science, qui mène inexorablement à la mort, que les transhumanistes tentent obstinément d’abolir, pour libérer leurs excès les plus diaboliques. C’est la mort qui nous pousse à chercher la science, si nous étions immortelles l’idée même de science ne nous viendrait pas à l’esprit. Cet arbre de la science n’est finalement rien d’autre que la porte de la mortalité qui, ouverte dans l’autre sens, est aussi la porte menant à l’arbre de vie éternelle. L’arbre de la science est aussi la porte de la morale, car c’est par l’arbre de la science – l’arbre de la connaissance du bien et du mal – que naquit la conscience morale chez l’homme adamique déchu. C’est par la mortalité que l’être humain devient moral, ou immoral, car avant sa chute il était par-delà le bien et le mal. Tout comme un bébé qui vient de naître vit par-delà le bien et le mal ; le bébé n’a pas de conscience morale et n’en demeure pas moins proche de Dieu, par son innocence. On pourrait donc penser paradoxalement que ce qui sépare l’homme de Dieu c’est la conscience morale ! Et qu’en la détruisant on détruit finalement ce qui nous sépare de Dieu. C’est ce que firent les kabbalistes juifs Sabbataï Tsevi, Messie auto-proclamé, et Jacob Franck, successeur auto-proclamé de Tsevi, mais ils n’obtinrent que chaos et fourvoiement ! En réalité, par-delà la conscience morale, par-delà le bien et le mal, il y a l’innocence divine, dont l’innocence du bébé est un signe. L’innocence c’est l’absence d’intention de nuire, c’est même l’absence d’intention tout court, c’est l’acte spontané sans intention, l’acte mu par la foi spontanée en la vie, par l’amour spontané de la vie, l’amour inconditionnel de la vie, non pas de sa vie mais de la vie, dans son insondable harmonie, comme si on entendait sa secrète éternité. Et l’on devrait s’empresser de rétablir cette harmonie dès lors qu’un déséquilibre s’y développe, telle est la science qui nous rapproche de l’harmonie divine, nous fait revenir à l’arbre de vie. Ce que fait admirablement le professeur Raoult.
La gracieuse main de Mademoiselle de Scudéry lâcha la mienne et elle s’en fut, délicate et silencieuse. L’avais-je ennuyée ? Des couleurs flamboyantes irisaient le ciel et emportèrent mes tourments.
marc
5 avril 2020 à 0 h 47 min
merci pour ce texte , un régal.(comme les précédents)
Comme disait Schopenhauer: L’homme est un instinct sexuel qui a pris corps.