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Face au monde qui s’effondre et à l’humanité qui dépérit, certains espèrent du Ciel le retour du Verbe divin, espèrent une nouvelle doctrine du salut. Cependant, le Ciel n’envoie pas de doctrines mais des messages, des signes. Messages et signes sont oeuvres divines, doctrines oeuvres humaines. Comme les enfants qui ont besoin de 4 roues à leur vélo pour ne pas tomber, les hommes ont besoin de doctrines. Certains apprennent plus vite que d’autres à se passer des 2 petites roues de sécurité sur le chemin vers l’unité divine. Dieu éprouve et guide avec patience, même avec ceux qui ne veulent pas apprendre, ou qui veulent obstinément garder les 2 petites roues de sécurité jusqu’à les imposer à ceux qui s’en passent très bien ! L’Apocalypse est le moment où le voile des doctrines tombera et où la vérité se manifestera nue, non-revêtue d’enveloppe humaine, sans la médiation de message ou de signe.
Nous sommes précisément en période apocalyptique. Dieu, duquel procèdent toutes les créatures, a laissé les hommes Le revêtir de tous les voiles, de toutes les doctrines pour les éprouver mais tous les voiles ont pour vocation de choir. Remarquons qu’il n’y a pas de voiles entre les plantes et Dieu, Dieu n’éprouve pas les plantes ! Le lieu des épreuves germe avec le règne animal (ani-mal !), se déploie avec l’homme et aboutit avec les démons.
Le chemin du retour vers l’unité divine est long. D’abord la longue période du divers sensible, puis la conflictualité animale, puis la quête de certitude, puis les quasi-interminables tourments de la conscience morale, puis la quête de doctrine, puis la quête de la bonne doctrine, puis la quête de la vérité doctrinale, puis la quête de la vérité… puis la quête du bien… puis le bien en acte… en acte éternel… l’unité divine.
Il faut distinguer « faire acte de bien » et « le bien en acte ». « Faire acte de bien » suppose que le bien n’agit pas lui-même et qu’on doit donc agir pour accomplir le bien et triompher du mal. « Faire acte de bien » induit donc l’existence du mal. Parfois, on croit « faire acte de bien » et il en résulte finalement du mal. « Croire faire acte de bien » a précédé le mal, la dualité du mal et du bien. Et le bien en acte précède tout, toutes les croyances, tous les actes, et toutes les dualités. Dans le bien en acte, il n’y a ni croyance ni volonté, les deux sont abolies. La volonté n’est qu’une croyance qui va aboutir à l’acte, et l’aboutissement est le plus souvent long et douloureux. Le bien en acte précède sa dualité avec le mal, n’est pas en lutte contre le mal, ni contre rien, il précède toutes les luttes de la dualité. Et toutes les luttes se résolvent in fine dans l’unité du bien en acte.
La pensée est une croyance orpheline qui n’a pas abouti à l’acte. Et l’orphelin cherche à revenir à celui qui l’a mis au monde. Il cherche chaotiquement l’unité avec celui qui l’a mis au monde de la dualité. Il cherche l’unité dans le monde de la dualité. Et il ne la trouve pas. Car celle-ci précède celle-là. La croyance orpheline cherche la cause première de la dualité de la cause et de l’effet, croyant y entrevoir l’unité où tout s’origine. Mais le bien en acte n’est pas une cause, ni une cause première suivie d’effets dans le temps. Le bien en acte n’agit pas dans le temps qui, lui, procède du bien en acte. La croyance orpheline désespère de trouver l’unité, elle n’y croit plus. La pensée est une croyance orpheline qui ne peut croire qu’elle procède de ce qui la précède, elle croit orgueilleusement qu’elle peut penser ce qui précède la pensée, ce dont elle procède. Et elle se lamente de l’impuissance de son orgueil. Mais son orgueil découle de la peur de s’unir avec ce qu’elle ne peut penser, ce qu’elle ne peut reconnaître par la pensée. La croyance orpheline erra ainsi jusqu’à envisager une autre reconnaissance : la reconnaissance du cœur.