- Allo Manu ?
- Oui, Maître.
- Comment vas-tu ? Ça avance le pass ?…
- Oui, très bien.
- Il faudra commencer à parler dans les médias du pass sous forme de puce sous-cutanée… J’ai donné mes instructions aux grandes instances de santé. On aura tous les feux verts.
- Impeccable, je donnerais mes instructions à Jean et Olivier.
- Oui, ils sont tellement dociles ces deux-là… Ils assassineraient leurs propres enfants pour quelques biftons, après avoir assassiné leur propre mère et leur propre père… le dernier des ectoplasmes a tellement plus de dignité, tellement plus de personnalité que ces deux-là… À part ça, comment va Jean-MIchel ?
- Elle est très affectée…
- Tu vois bien qu’il fallait accélérer le plan pour mettre tout le monde au pas. Si tu m’avais écouté… Sinon, tu as pensé à préparer ces crétins de flics et de militaires en prévision des probables futures insurrections… S’ils passent du côté du peuple, nous sommes fichus ; ce point est crucial. Encore plus crucial que la question de ces larves de journalistes. Alors, qu’est-ce que tu as prévu ?
- J’ai déjà donné beaucoup d’argent à la presse. J’ajouterai quelques primes aux flics, gendarmes, militaires…
- T’as l’air tracassé…
- C’est Jean-Mi…
- Ça passera… tout passe… J’appellerai la presse et les médias pour qu’ils étouffent l’affaire, t’en fais pas.
- Merci
- Je t’en prie, c’est normal. Ça va mieux ?
- Oui
- Oui qui ?
- Allons, pas avec moi…
- Oui QUI !!!
- Écoute, j’ai un tas de choses à faire…
- OUI QUI !!!!!!!
- Je te rappelle…, j’ai des montagnes à abattre… À bientôt…
Manu lui raccrocha au nez alors que Jean-Michel en larmes entrait dans le bureau.
- Je ne tiendrai pas !…
- Ça va aller, je m’en occupe.
- C’est trop tard… le mal est fait…
- Pourquoi tu passes pas quelques semaines sous les tropiques… loin de la fureur…
- Je veux mourir…
- C’est pas le moment…, enfin c’est pas ce que je voulais dire ! Jean-Mi !…
Jean-Michel claqua la porte et ses sanglots résonnèrent dans les couloirs froids. Manu repensa à la réaction du Maître ; ça l’avait interloqué. Et il y repensa tant et si bien qu’il passa la journée dévoré par l’angoisse. C’était la première fois qu’il était aussi colérique avec lui. Lui avoir raccroché au nez pourrait lui coûtait cher ; il se demanda comment il en était venu à lui raccrocher au nez, c’était la première fois. Il s’en voulut de ne lui avoir pas cédé, craignant des représailles pour cette offense.
L’après-midi touchait à sa fin mais les angoisses le torturaient toujours autant. Il prit un rail, puis deux, puis trois… Il ne mangea rien ou quasiment rien au dîner, seul avec ses tourments. Il retourna en titubant à son bureau, sur la surface duquel traînait de la poudre aussi blanche que la nuit qu’il allait passer. Il s’endormit à six heures du matin, écrasé sur son bureau dans la sueur de ses angoisses. À huit heures du matin, Jean-Michel fit irruption en pleurs dans le bureau en jetant des tabloïds sur la gueule de Manu qui se réveilla en sursaut. La tête de Jean-Michel s’étalait à la une des journaux sous les sarcasmes les plus cruels en lettres capitales. Manu tenta de rattraper Jean-Mi dans les couloirs mais peine perdue… Il entendit un grand « BOUM », puis plus rien.
Après la mise en bière dans la plus grande discrétion, Manu appela un à un le directeur de chaque tabloïd, les menaçants de poursuites, et obtenant pour toute réponse : « c’est le Maître qui nous l’a ordonné ». Le lendemain, après l’enterrement de Jean-Michel, le téléphone de Manu sonna.
- Allo Manu ?
- Oui ?
- J’ai appris pour Jean-Michel, toutes mes condoléances… Manu ? Tu es avec moi ?
- Oui
- Oui qui ?
- Pardon ?!!!
- Oui QUI !!
- … Oui… Maître.
michèle giordano
5 janvier 2022 à 13 h 10 min
j’adore