Accueil Non classé Un Mashiah averti en vaut deux, par Lotfi Hadjiat

Un Mashiah averti en vaut deux, par Lotfi Hadjiat

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Cette nuit, j’ai rêvé d’Hitler dis-donc, il me corrigeait un texte, c’est fou non ? Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais aujourd’hui tout est fou, tout, économiquement, socialement, religieusement, culturellement, politiquement. Je ne vois nulle part de la logique. La folie est devenue la norme. Fort heureusement, il y a encore quelques rares personnes qui font entendre la voix de la raison, et je pense particulièrement au rabbin Boubenfeld, qui fut si éloquent au dernier congrès annuel des rabbins en révélant que le messie des Juifs, le Mashiah est sur le point d’arriver, ce serait même imminent ; il arrivera à Tel-Aviv, un soir, sur le boulevard Rothschild, dans les salons du Blue King Paradise Hôtel, en face de la banque Rothschild. Quand on dit au rabbin que leur Mashiah est déjà venu et qu’ils l’ont fait crucifier, et que ça fait vingt siècles que les rabbins annoncent tous les jours l’arrivée imminente du Mashiah, il s’énerve. « Il arrivera un soir d’octobre, à Yom Kippour peut-être… et Neyatyaou lui remettra le sceptre ! ». Fort bien mais qui informera Benyamin ? Est-ce que le Mashiah a un smartphone ? Le rabbin Boubenfeld s’emporte encore et lance, agacé, que le Mashiah appellera Benyamin depuis le standart de l’hôtel.

Du coup, devant le comptoir de la réception du Blue King Paradise Hôtel, la foule ne désemplit pas. À la veille de Yom Kippour, c’est carrément la cohue. Et le jour de Yom Kippour, la police doit intervenir pour libérer l’hôtel. La foule de Juifs est furieuse qu’on l’empêche de voir l’arrivée du Mashiah. Une bagarre éclate. Les forces de police sont assaillies de tous côtés. Pourtant le Mashiah n’est toujours pas là. Certains proposent d’appeler Neyatyaou pour qu’il ramène le sceptre à l’hôtel, ça hâtera peut-être la venue du Mashiah… La foule se dirige donc vers les bureaux de Benyamin en criant, « le Mashiah doit arriver aujourd’hui ! Ramène-lui le sceptre ! ». Mais Neyatyaou est occupé et depuis son balcon, ordonne à la foule de se disperser, en menaçant d’avoir recours à l’armée si nécessaire. Soudain, le téléphone sonne. Benyamin retourne à son bureau et décroche.

– Allo !

– Allo, oui. C’est le Mashiah. Je t’attends au petit café près de la banque Rothschild. Tu as le sceptre ?

– Qui est à l’appareil ?…

– C’est le Mashiah, je te dis ! Qui d’autre ?

– Voyez avec ma secrétaire… je suis occupé.

– Écoute-moi. Je suis venu amener la paix à Israël.

– La paix ?! C’est une blague… C’est la guerre ! On est attaqué de tous les côtés ! Je dois finir le travail, les éradiquer jusqu’au dernier. Je vous laisse.

– Regarde dans ton tiroir, tu verras le sceptre.

– C’est ça, à bientôt, fit Benyamin en raccrochant. Puis, machinalement, il ouvrit son tiroir… : le sceptre flamboyant était là.

Un sceptre en or. Benyamin le saisit, fasciné, comme s’il saisissait le pouvoir suprême. Il dressa vigoureusement le sceptre vers le ciel, puis tourna dans la pièce, les yeux fixés sur l’objet insolite, comme hypnotisé, tournoyant et virevoltant comme un petit rat de l’opéra, enfin, comme un gros rat. Au comble de l’ivresse, il s’attendit à ce qu’il se passât quelque chose, mais il ne se passât rien. Il repensa à celui qui venait de l’appeler, puis glissa le sceptre dans la poche intérieure de sa veste, et fit appeler son chauffeur, direction le petit café près de la banque Rothschild.

Arrivé au petit café, il regarde partout, en vain. Il ressort alors du café et un homme ordinaire le salue dans la rue. Benyamin lui répond à peine et continue de chercher comme un fou.

– Vous cherchez quelqu’un ?, lui dit l’homme ordinaire.

– Oui, répondit sèchement Benyamin.

– À quoi ressemble-t-il ?

– Je ne sais pas, ce n’est pas un homme ordinaire.

– Vous avez quelque chose dans la poche de votre veste ? Elle est tachée, fit l’homme ordinaire en pointant du doigt la veste tachée de Benyamin.

Surpris, Benyamin jette un regard à l’intérieure de sa veste, mais au lieu du sceptre en or il découvre un couteau de boucher recouvert de sang. Il relève la tête stupéfait et scrute l’homme ordinaire.

– Quel est ce prodige ! Qui êtes-vous ? Parlez !, fit Neyatyaou au bord de la panique.

– Je suis celui que tu cherches. Abandonne le couteau, abandonne la guerre. Et je t’aiderai à trouver le chemin de la paix pour Israël, fit calmement l’homme ordinaire.

– Israël ne peut pas faire la paix, croyez-moi ; nous ne sommes entourés que de fanatiques qui veulent notre mort.

– La guerre entraîne la guerre, et Israël n’aura jamais la paix jusqu’à sa destruction finale.

– On n’envisagera la paix que lorsque j’aurais éradiqué tous ces fanatiques jusqu’au dernier, assena le premier ministre israélien.

– Tu ne les éradiqueras pas, mais Israël sera éradiqué.

– Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Restez à l’écart de tout ça… Parlons d’autre chose. Est-ce que vous avez où passé la nuit ? Je vais donner des instructions, fit Neyatyaou en s’engouffrant dans un petit hôtel alentour. Puis en ressortit quelques minutes plus tard.

– Voilà, vous avez une chambre, la 36. Hôtel Salomon, juste à côté. Je dois vous laisser. À bientôt, fit Benyamin en laissant là le Mashiah interloqué, complètement abasourdi.

Le premier ministre israélien rejoignit sa voiture et fit signe au chauffeur de foncer au bureau, tout en s’emparant de son smartphone.

– Allo ? J’ai une mission délicate pour toi. Tu me le lâches pas d’une semelle… Il est à l’hôtel Salomon. Oui… Ah merde, je te l’ai pas pris en photo. Attends une seconde, avec un peu de chance…

– Qui est-ce ?

– Je ne sais pas encore exactement, je te le dirai plus tard

– Ok, on va le suivre.

Le chauffeur repassa sur le boulevard Rothschild et Benyamin en profita pour photographier discrètement le Mashiah, toujours dans la rue. Puis envoya la photo au chef des services secrets, Shmuel. Tout cela intriguait Benyamin comme jamais il ne fut intrigué. Était-ce le vrai Mashiah ou pas ? Il avait des doutes. Ou n’était-ce qu’un magicien particulièrement habile. Il rappela Shmuel dans l’après-midi, qui lui répondit que l’homme était toujours dans la rue parlant avec des hommes, des femmes, des enfants… Rentré chez lui, le premier ministre s’en ouvrit à sa femme, en lui recommandant la plus grande discrétion. Mais voyant son enthousiasme hystérique, il lui dit finalement que ce n’était qu’un canular. Elle ne fut pas dupe de son subterfuge mais n’en montra rien. Au dîner, Benyamin toucha à peine à son saumon à l’aneth. « Tu as l’air pensif… », lui dit sa femme. Il lui répondit par un haussement de sourcils, se servit un whisky et s’isola sur le balcon. En fin de soirée, toujours aussi préoccupé, il rappela Shmuel.

– Toujours rien, patron. Il s’est fait des amis, et il a mangé avec eux, au bord de la plage. J’ai mis deux de mes gars sur le coup, pour la nuit.

– Ok, tiens-moi au courant. Shalom.

– Shalom.

Au milieu de la nuit, Benyamin se réveilla en sursaut et en sueur. Suffocant comme un aliéné. Il avait fait un cauchemar. Il était au volant d’un énorme bulldozer, lancé à toute allure au milieu de nulle part, dans l’obscurité la plus totale. Soudain, il percute un grand arbre frontalement, qui se fissure puis s’effondre, découvrant un précipice. Il tente de passer la marche arrière mais le bulldozer glisse inexorablement et tombe dans le vide en se transformant en serpent titanesque aux hurlements effroyables, serpent auquel il se rattrape tant bien que mal au-dessus du gouffre. Mais le serpent prend feu, un feu gigantesque qui dévore tout…

Benyamin, assis au bord du lit, empoigna son smartphone. Trois heure du matin. Il composa le numéro de Shmuel en se dirigeant vers le balcon.

– Ça se passe bien ?…

– Il dort… Enfin, je suppose…, répondit Shmuel en baillant.

– C’est bizarre…

– Qu’est-ce qui est bizarre ?… Je ne sais toujours pas pourquoi vous le filez.

– Ça reste entre nous, mais… cet homme est peut-être le Mashiah… je ne peux pas t’en dire plus…, fit Benyamin en chuchotant.

– Pourquoi ne l’avoir pas dit plus tôt… ?

– J’avais des doutes… et j’en ai toujours… Rappelle-moi, si tu as du nouveau.

– Ok, patron.

– Shmuel… ?

– Oui, patron.

– Tout ça doit rester strictement entre nous. Personne ne doit être au courant. Je t’en dirai plus le moment venu.

– Ok, pas de problème.

Benyamin raccrocha et se resservit un autre verre de whisky. Impossible de dormir. La nuit allait être longue. Il prit une couverture et s’installa sur le balcon, toujours en proie au doute. Sa femme se leva dans la nuit, sans lui adresser une parole, feignant d’aller dans la salle de bain, tout en l’observant du coin de l’œil. Il repensait encore et encore au sceptre transformé en couteau ensanglanté. Et si cet homme était bel et bien le Mashiah !… Que faire ?… avant tout, l’empêcher de quitter Israël. Et lui tirer les vers du nez pour savoir quelles sont ses véritables intentions. Ses histoires de paix ne l’avaient pas convaincu. Il redoutait un agent de subversion, mais envoyé par qui ? Il empoigna son smartphone. Quatre heure et demi. Il se resservit un troisième whisky et s’assoupit. Et se réveilla à 9 heures. Il chercha sa femme dans tout l’appartement mais elle n’était pas là. Il téléphona à son chauffeur et se prépara en vitesse. Le chauffeur lui tendit un journal. La photo du Mashiah, désigné comme tel, apparaissait à la une du premier quotidien du pays ! Fou de rage, Benyamin appela Shmuel.

– C’est une fuite malheureuse, patron…

– Ta carrière est finie, compte sur moi !, tonna Benyamin avant de raccrocher.

Ce qui devait arriver arriva. Le Mashiah fut reconnu dans la rue et une bousculade s’ensuivit.

– Mashiah s’il te plaît, donne-moi les chiffres du loto !

– Aide-moi, Mashiah, aide-moi à trouver un acheteur pour ma Porsche 911 turbo !

– Fait quelque chose, Mashiah, fait que mon fils arrêté en Lituanie en flagrant délit de trafic de cocaïne et proxénétisme aggravé soit extradé en Israël et innocenté !

– Dieu te bénisse, Mashiah, fait que les 15 millions de shekels que je dois à mon créancier soient oubliés ! Je ne veux pas hypothéquer mon appartement !

– Une photo avec moi, Mashiah, pour mon site de vente en ligne !

– Aide-nous, Mashiah, à exterminer tous les Palestiniens, tous les Libanais et tous les Syriens, aide-nous à triompher de tous ces maudits Goyim ! Ils nous torturent depuis 3500 ans !

– Pitié, Mashiah, aide-moi à réparer la PlayStation 5 de mon fils !

– Je t’en conjure, Mashiah, aide-moi à régler les machines à sous de mon casino pour qu’elles me rapportent un maximum.

– Trouve-moi une solution, Mashiah, je suis poursuivi pour avoir arnaquer les Goyim de 600 millions d’euros !

– Je t’en prie, Mashiah, fait que mon buziness de contre-façon me rende millionnaire en euros l’année prochaine ! Je te verserai ta part, 15% !

– Écoute-moi, Mashiah, je t’en supplie, favorise tous mes placements à Wall-Street ! Tu auras ta part, 20% ! Et une BMW en cadeau !

« Arrêtez ! Vous allez le tuer ! », hurlèrent certains. Le Mashiah fut écrasé, piétiné par la foule hystérique, son sang coula. Certains, comme Philippe Val, Damien Rieu et Philippe de Villiers, s’enduisirent les bras et le visage du sang du Mashiah en proférant véhémentement des incantations éplorées, mais les trois valeureux furent eux aussi piétinés par la foule. L’intervention de la police sauva in-extremis le Mashiah au milieu des cris et des pleurs effrénés. Transporté à l’hôpital, il pouvait à peine murmurer quelques sons. Les médecins le soignèrent en urgence, plusieurs heures durant jusqu’à la nuit tombée. Quelques semaines plus tard, passées en unité de soins intensifs, il retrouva peu à peu l’usage de sa mâchoire et de la parole, et manifesta le désir de quitter ce pays, « peuplé de monstres », selon ses mots. Neyatyaou intervint pour tenter de le faire changer d’avis. Il lui promit de l’héberger dans une luxueuse propriété, au calme, loin des foules, avec une synagogue privée et un Mur des Lamentations privatif.

– Les israélites ne sont pas sauvables… J’aurais plus de chance de sauver les démons de l’Enfer, dit le Mashiah.

– Je t’en prie, ne prends pas de décision hâtive… répondit Neyatyaou.

– Les vertueux seront sauvés malgré tout.

– Prends le temps de te reposer.

– Je pars.

– Comment ça, tu pars !, s’exclama Benyamin interloqué.

– … Peut-être vers l’Europe…

– Mais tu peux pas… tu es venu pour Israël… qu’est-ce que tu vas leur dire aux Goyim… mais bon, si tu tiens à partir, je t’aiderai à…

– Non, laisse-moi ; je ne veux plus avoir affaire à toi.

– Mais je n’ai fait que te protéger…, se récria Benyamin.

– Tu n’as fait que mentir… Tout cet État d’Israël n’a été de toutes façons bâti que sur et par le mensonge.

– Tu oublies le vote du plan de partage à l’ONU, se défendit Benyamin.

– Ce vote était illégal ; la résolution devait obtenir les voix des deux tiers des votants pour être validée, et il manquait une voix. Le Libéria, Haïti et les Philippines étaient contre ce plan de partage, et les États-Unis firent pression sur ces trois États afin qu’ils votent pour, en les menaçant de représailles économiques ou de leur couper les vivres. Même la France a subi des pressions pour ce vote.

– Mashiah, tu veux quand même pas dire que l’Etat d’Israël est illégitime !…

– Si, un État factice, colonial. Beaucoup de rabbins pensent que cet État est illégitime, allant même jusqu’à bruler le drapeau d’Israël…

– Il n’en reste pas moins que l’ONU reconnaît Israël comme nous reconnaissons l’ONU, dit Benyamin en contenant sa colère.

– Israël n’a jamais respecté l’ONU jusqu’à aujourd’hui. Sans parler du comte Folke Bernadotte et le colonel français André Sérot que vous avez assassiné…, n’étaient-ils pas des médiateurs onusiens…

– Oui, mais Ralph Bunche on ne l’a pas assassiné !, répliqua Benyamin comme par fierté.

– Israël est criminel depuis Abel le juste, lui asséna le Mashiah en le regardant droit dans les yeux.

Neyatyaou ne dit plus rien, tourna les talons dans une fureur muette et sortit brusquement de la chambre d’hôpital, en bousculant une Infirmière. Quelques semaines plus tard, le Mashiah embarquait sur un bateau en partance pour la Grèce. Y embarquèrent aussi, discrètement, deux agents des services spéciaux israéliens… Le bateau fit escale à Chypre, avant de repartir vers Rhodes en début d’après-midi. Malheureusement, à mi-chemin, une explosion phénoménale eut lieu dans les cales du bateau, qui coula à pic dans la mer Egée. Aucun survivant ne put témoigner puisqu’il n’y en eut aucun. L’événement bouleversa les Israéliens, la presse insistant particulièrement sur le fait que le Mashiah faisait partie des passagers. Les lamentations se lamentèrent sur le Mur des Lamentations sous un ciel sombre et terrifiant. Au troisième jour, Benyamin intervint à la télévision publique pour déplorer cette « tragédie effroyable » où un homme « présumé Mashiah » avait péri, avant de suspecter l’Iran et d’annoncer l’ouverture d’une enquête, non seulement sur la « tragédie effroyable » mais aussi sur le « présumé Mashiah ». Une semaine plus tard, les premiers résultats de l’enquête furent communiqués. À en croire les enquêteurs israéliens, une surchauffe du moteur défectueux du bateau avait causé l’accident, et il n’y avait aucune preuve sérieuse pouvant confirmer que le « présumé Mashiah » était l’authentique Mashiah. Puis la vie reprit son cours, on oublia peu à peu le présumé Mashiah, certains y virent un imposteur, et on retomba dans l’attente du vrai Mashiah… dont les rabbins annoncèrent l’arrivée imminente le mois suivant… peut-être à Hanouka… ou à Pourim… Et Neyatyaou réitéra sa volonté inébranlable de finir le travail…

 

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Un commentaire

  1. Viktor von Berg

    24 octobre 2024 à 17 h 39 min

    Je croyais que le peuple « juif » avait résolu le problème du Machiah en se déclarant lui-même Machiah. Il est vrai qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même.
    Quand le culot (chutzpah) frise la folie.
    Et comme disait ma grand’mère: « Où il y a de la gêne, y a pas de plaisir! »…

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