On peut tirer de certaines sourates un point de vue philosophique dont on pourrait formuler ainsi la thèse principale : la présence divine précède le vivant, précède la matière, précède notre propre vie, précède l’être, précède le verbe, précède le temps, l’espace, précède tout. Cette présence n’est pas le tout, elle le précède. Et cette présence souveraine qui fonde toutes présences, est pure bonté. Du fait de leur nature faillible, les hommes, les femmes sont incapables d’une telle souveraine bonté ; ils ne peuvent prodiguer que des poussières de bonté divine. Ces créatures n’étant elles-mêmes que des étincelles divines. Des étincelles qui par fierté et honneur ne reconnaissent pas être mues telle une marionnette par la souveraineté divine, qui, elle, n’est mue ni par la fierté, ni par l’honneur. Souveraineté qui n’est d’ailleurs pas mue du tout. Mais qui meut. Qui meut tout. Les hommes, les vivants, les univers… toutes choses, toutes présences… Nier être mu par la présence divine, voilà ce que les hommes appellent, liberté. Celle-ci est essentiellement une liberté de négation, négation de la mort en particulier. L’approbation est déjà un renoncement à cette liberté négatrice. Hésiter entre la négation et l’approbation, n’est déjà plus la liberté…, c’est une liberté en suspens. Approuver c’est rendre les armes de la négation. Approuver c’est déjà abdiquer, face à une souveraineté qui nous dépasse, qui dépasse nos armes de négation. Des armes par lesquelles on lutte contre la mort, on défend notre honneur… La vie divine n’a pas besoin de lutter contre la mort, ni d’être défendue ; elle ne dispose pas des armes de la liberté, ni d’armes tout court. Elle ne dispose pas de liberté, qui au fond n’est qu’une négation de la mort, in fine… Rien n’est plus opposée à la souveraineté que la liberté. La liberté qui meurt s’oppose à la souveraineté qui meut, et qui ne meurt pas. La souveraineté divine est dépourvue d’armes, et la liberté n’en finit pas de s’armer face à la mort, en vain. Il s’agit donc de creuser l’approbation. Et non pas la négation. Creuser l’approbation jusqu’à l’approbation ultime : approuver la souveraineté. Il y a en nous une souveraineté que nous ne cessons de nier par notre liberté. Et cette souveraineté est appelée « Dieu ». La sagesse principale des sourates nous enseigne que la liberté lutte vainement contre la souveraineté, qui pourtant la fonde, et que le bien de l’homme consiste à reconnaître enfin la souveraineté en lui. Il y a en nous une souveraine vie à laquelle nous nous opposons par instinct de liberté. Le Coran nous enseigne que la longue dialectique du libre et du souverain est vaine… face à la mort déjà. Notre instinct de liberté lutte instinctivement contre l’essence souveraine en nous. La liberté négatrice lutte contre la souveraineté créatrice. La liberté qui meurt ne veut pas reconnaître la souveraineté qui ne meurt pas. La liberté humiliée ne veut pas consentir à l’humilité face à ce qui l’a humiliée. Se rapprocher de Dieu, comme nous y incite certaines sourates, c’est ne plus résister à cette présence souveraine en nous, c’est renoncer un peu à notre liberté, et c’est ainsi ne plus craindre la mort de cette liberté, et la mort tout court. Et ne plus craindre la mort est le sommet de la sagesse. Les anciens Grecs l’avaient compris mille ans avant le Coran, qui confirme donc la sagesse millénaire, et inversement. On trouve dans ce livre une expression parmi d’autres de la sagesse millénaire. Y voir une expression exclusive est un égarement, ou se laisse entraîner malheureusement certains musulmans.